Honey. Je ne regrettais pas de l’avoir posée à la pension, vous savez, en revanche, ce qui me faisait culpabiliser, c’était principalement de m’y être prise aussi précipitamment. J’aurais préféré pouvoir rencontrer son éleveur, lui expliquer la situation, etc. Vous voyez, c’est un peu comme jeter son gosse à la crèche en ayant une petite voix dans votre esprit qui vous rappelle qu’il pourrait y avoir un psychopathe pédophile. Donc oui, aujourd’hui il fallait que je me bouge les fesses. Five m’avait motivée. Il avait passé, certes, peu de temps avec Honey, en revanche, il voyait bien mon expression de détresse lorsque la pension passait à la télévision. Il reconnaissait cette image sur mon visage avec une aisance troublante. Alors il m’avait poussée vers le téléphone. J’ignorais s’il faisait cela pour que je récupère la petite Honey ou simplement parce qu’il n’avait pas envie que je passe mon réveillon de fin d’année toute seule… L’un dans l’autre, ça partait forcément d’une bonne intention, surtout qu’après avoir déjà passé Noël enfermée chez moi devant des téléfilms avec mes pokémons, il devait commencer à trouver que je sentais le renfermé. J’étais un peu comme une vieille aigrie avec ses chats, fallait pas me parler. Ça et mon psy qui était trop occupé pour passer… C’était pas trop la joie ces derniers jours, fallait avouer.

J’avais décidé, donc, de partir avec tous mes petits pokemons à mes côtés, avec la ferme idée d’échanger Honey et Jelly, la dernière n’ayant pas encore combattu à mes côtés, je préférais la laisser s’entraîner avant d’avoir une attache émotionnelle avec elle. Outre cela, j’imaginais que les gens de la pension, ah, les éleveurs, voilà, devaient avoir bien mieux à faire ce soir-là que de rester à attendre que les gens débarquent pour récupérer leurs pokémons parce qu’ils culpabilisent de les laisser… Mais il fallait croire que non. Parce qu’une fois arrivée, il n’y avait personne à l’accueil, certes, mais je suis tout de même tombée nez à nez avec un grand mec dont le visage était orné d’un large sourire amical et qui m’observait fixement. Alors c’était lui qui s’était occupé d’Honey. Comme ça, malgré ma paranoïa habituelle, je lui aurais fait confiance, il avait l’air « gentil », mais surtout, il avait l’air proche de ses pokemons et ça ne pouvait que me motiver à lui faire confiance.

▬ Alors-ehm… Je suis Elyon, la dresseuse d’Honey et… J’étais venue pour la…

Récupérer. Ainsi aurait dû se terminer ma phrase. Mais il n’en fut rien. Simplement parce qu’un espèce de flash (et avec mon petit désagrément avec Avery dans le train à Halloween, les flashs je commençais sérieusement à m’en méfier) traversa la pièce, et une seconde plus tard le gentil éleveur avait disparu. Oui. A sa place, devant mes yeux il y avait un étrange pokemon blanc (ou beige) et bleu. Euhm. Negapi, je crois. Et moi, j’avais rapetissé. Mais je n’avais pas vu de Negapi en entrant, non ? Ça et toutes les paires d’yeux qui me fixaient étrangement… Pourquoi toute mon équipe était-elle sortie de leurs pokeballs ? Pire, pourquoi fallait-il toujours qu’il y ait un Fantominus dans le coin quand il se passait un truc étrange ? Non pas que je rejetais la faute sur Ykks hein, mais j’aurais pu le faire, mince alors. Mais par-dessus tous les regards étranges auxquels j’avais droit, ce fut sans doute celui de Five qui me troubla le plus, un peu inquiet, mais surtout très amusé. Et puis, je portais mon regard à mes mains. Enfin, anciennement mes mains. Maintenant des pattes. Des petites pattes toutes mignonnes. Et faisait un tour sur moi-même, croisant mon regard avec celui de… Mon reflet, dans une porte. Bordel de… Posipi. Sérieusement ? J’étais devenu un Posipi, comme ça ?!

▬ Je comprends rien à ce qu’il se passe !! Et c’est quoi cette voix super aigüe !?!

En effet, même ma voix avait soudainement décidé de changer de ton. Comme si tout chez moi avait décidé de devenir encore plus petit, encore plus mignon, encore moins humain. Bordel de… Et dire que j’étais juste partie faire une bonne action et récupérer toute mon équipe. Il fallait toujours qu’il m’arrive des emmerdes ! Si j’avais su… La prochaine fois qu’il y a une fête « populaire » n’imaginez pas me voir de sortie, c’est mort. Archi-mort. Marre de cette malédiction qui s’abat sur moi à chaque fois que je mets le nez dehors !

Oh mais, moi j’aimerais bien qu’il s’agisse d’une simple hallucination ! Et puis, ce ne serait pas la première, bah oui, les hallu, ça arrive de temps en temps quand vous êtes psychotique comme moi. C’est, simplement, un sentiment de flottement pas très naturel et une grande peur que vous paralyse. C’était ça, actuellement. Et, BORDEL, pourquoi même dans mes pensées j’avais cette petite voix aigüe agaçante ?! Tsss. Et j’observais le Negapi, là, qui parlait. Donc… L’éleveur que j’étais venue voir, Andrew, était devenu un pokemon. Et moi aussi. Non mais, dans ma vie, ça semblait juste quelque chose de totalement normal, non ? Je fermais les yeux, serrant mes petites pattes en priant pour que tout cela ne soit qu’un cauchemar. Je n’avais rien contre l’idée de devenir un pokemon, très sincèrement, mais à choisir, un poisson ou un oiseau aurait été beaucoup plus intéressant. Vous n’êtes pas d’accord ? Et non. Je sentis quelque chose tapoter mon « épaule », et je relevais les yeux pour observer Five, qui faisait bien une vingtaine de centimètres de plus que moi, et qui m’observait avec un regard un peu inquiet. Le pire, c’était de sentir la panique m’envahir, et une certaine charge électrique caresser mon pelage, faire des étincelles devant mes yeux. J’étais un pokemon électrique, il fallait que je fasse attention, imaginez si je blessais mes pokemons, ou ceux d’Andrew !

▬ Je … Oui. C’est moi. Et vous, toi, tu es un Negapi. On peut se tutoyer, hein ? Dans ce genre de situation, j’veux dire…

Five approcha pour observer le Negapi en plissant des yeux, j’avais l’habitude de lire un peu ses pensées, et là, il était possible qu’il pense quelque chose du genre « si t’avais été Hunter, toi, je t’aurais écrasé vite fait », mais vu que l’éleveur était encore un étranger, qu’il avait l’air gentil et que j’avais bassiné toute mon équipe avec le fait qu’il avait dû prendre un grand soin d’Honey – qui devait d’ailleurs être dans le coin, pas loin – ils avaient tous compris qu’il fallait qu’ils se tiennent à carreau. Mais le plus gros choc, c’était sans doute de relever un peu plus la tête et de voir Hartyn me fixer avec ses grands yeux, avant de baisser le museau pour me renifler. Génial. Il faisait un mètre de plus que nous… En soit, si on considérait que je faisais partie de mon équipe, alors j’en étais bien le plus petit pokémon. Ce qui rendait la situation encore d’avantage ridicule. Certes je ne m’étais jamais vraiment sentie plus grande que la normale, vu que j’étais plutôt dans la moyenne humaine, mais niveau pokémon, une chose était certaine : la moyenne était bien trop haute pour que je l’atteigne avec mes petites pattes.

▬ J’aimerais bien comprendre ce qu’il s’est passé, quand même. Et puis. Savoir aussi, si ça va s’arrêter. Je sais que c’était bizarre qu’il ne soit pas passé plus de trucs bizarres depuis l’arrivée des pokemons mais là… Entre Halloween et maintenant ça…

Abby approcha, et non ! Abby faisait ma taille, elle était gentille à être à la bonne taille elle, je n’allais pas me faire un torticolis à essayer de lui parler, parfait. Donc, elle approcha et approuva ce que je venais de dire, guettant sans doute de nouveau signes de pokemons suspects, mais entre tous ceux qu’il y avait dans la pièce, il était probable qu’elle ne capte pas grand-chose. Alors je reculais pour me caler contre Five, qui tenta de me faire un câlin, sans doute pour me rassurer, mais j’étais plus blasée par la situation qu’inquiète. Enfin, si ! Evidemment. Mais disons que je n’étais pas non plus à l’article de la mort.

▬ Sinon, Andrew, j’imagine que tu pensais pas passer la fin d’année en faisant un demi-mètre et en ayant des moins bleus sur les joues ?

Quelle question Elyon. Bravo. Bravo moi-même pour mon humour qui m’aurait tellement valu un coup de pelle ! Et je me doutais que ça finirait par arriver un jour. Peut-être que j’aurais juste dû attendre le lendemain avant de venir récupérer Honey… Après tout, peut-être que c’était lui, là, qui me refilait la poisse, j’en savais rien moi !

« Amour ». C’est ainsi que beaucoup d’entre nous naissent. Fruit de l’amour d’un homme et d’une femme, parfois adoptés par deux hommes, deux femmes, un seul être, quelle importance tant que l’amour règne en maître. J’aime bien les enfants, je les trouve particulièrement intéressants. Cette vie qui émane d’eux, cette espèce d’inconscience de ce qui les attends ensuite… Ce chemin qui s’étend devant eux… Je trouve cela simplement magnifique. Avouez, ne vous êtes-vous jamais extasier devant un enfant et son imagination débordante ? Le jalousant quelque peu… Si. Au moins une fois dans votre existence, peu importe à quel point vous êtes fermés ou aigri. Peut-être simplement parce que nous avons tous été ces enfants rêveurs dont la tête est emplis d’images diverses et folles. De plans foireux et de souvenirs parfois factices, construits bien calmement devant la télévision. Et vous allez tout simplement me dire « mais tout ça pour quoi ? », et bien c’est simple. Pichu. Un tout petit pokemon, on peut même dire sans beaucoup de risque de se tromper un « bébé pokémon ». Et vu ma taille actuelle, et ma nature, si on peut dire, oui, je ne peux que sentir de l’écho à voir ce bébé pokémon entre nous. D’autant plus que s’il communique avec nous, c’est sans doute parce que c’est un bébé humain et franchement, cela m’étonnerait qu’il débarque comme ça, par pur miracle, sans avoir de parents qui l’aiment quelque part. Est-ce que cette cigogne l’a volé à un couple paniqué par la situation ? Je ne sais pas dans quel état mental je devrais me trouver, avec tout ce qui est en train de nous tomber dessus, et je sais que je suis bien étrangement calme… Cependant, je n’ai même pas le courage ou le temps de penser à angoisser. Et c’est étrangement délicieux.

▬ Alors Andrew, je ne suis attendue nulle part et pas personne, je comptais simplement passer la soirée avec mes amis pokemons, mais j’avoue que mes plans ont reçu un léger coup actuellement… Donc rester avec toi ne me dérange pas le moins du monde. Enfin, avec vous, tous ! Et puis, je crois qu’on a une nouvelle énigme sur les bras…

J’observai quelques instants le Pichu qui nous observait avec un regard un peu intrigué avant de nous parler après. Papa. Maman. Oula… C’était plutôt mauvais signe. J’étais certes, trop jeune pour être devenue un pokemon, mais encore plus pour adopter et cela dans la même soirée… En plus avec un inconnu ! Quelle soirée riche en rebondissements, n’est-ce pas ?

▬ Est-ce qu’il vient de t’appeler Papa ? Enfin, tu sais, je préférerai que ce soit toi plutôt que moi… Ce gamin a forcément des parents, ça craint qu’il se soit retrouvé ici ! A moins que ce soit le tiens, hein… Ah, et pour Honey, ne t’inquiète pas, si on arrive à se sortir de cette situation, je pense que je te devrais aussi un café pour le dérangement ! Alors tu pourras sans doute la revoir !

C’est fou comme on peut en apprendre sur les gens, en se contentant de regarder leurs yeux et de se concentrer. Finalement, soutenir un regard, ça peut être dur tout le temps, en tant qu’humain qu’en tant que pokemon… Rah. Mon dos me gratte. Mes pattes sont trop courtes… Je crois que je vais aller me pendre. Tsss…

Vraiment mal barrés. Et encore, Andrew semblait bien en dessous de la réalité. Bon, il n'y avait pas trente six solutions... En fait, il n'y en avait aucune qui me venait à l'esprit dans l'immédiat. Vie de merde ? Et puis, d'un autre côté... Quoi ? Bah. Five m'observait avec de gros yeux, essayant sans doute d'évaluer ma réaction à la situation, d'évaluer le stress qui montait, montait, montait. Mais je gérais encore la situation pour péter un câble. Enfin, je veux dire, tout nous était tellement tombé dessus d'un coup que, pour tous vous avouer, j'étais trop sonnée pour criser. Même si l'envie aurait sans doute dû être présente.

Et puis, sans que je comprenne, Five sembla étrangement petit. Est-ce que... A peine dix minutes après notre transformation en pokémons, nous reprenions notre apparence ? Ou alors on devenait des pokémons géant ? What the fuck, sérieusement ? Mais non, c'était bien notre apparence, oui, et nos vêtements, là, qui traînaient par terre. Non mais, sinon, si cette journée n'est pas une journée de merde, qu'est-ce que c'est, je vous le demande... J'attrapais mes fringues rapidement, enfilait mon manteau après m'être cachée dans un coin de la pièce, les joues tellement rouges que je me demandais si elles n'allaient pas rentrer en combustion d'ici peu. En plus, inutile de vous dire que je suis pudique, normalement... Une chance que ce n'est pas arrivé en plein milieu d'un grand magasin... N'est-ce pas ?

▬ J'ai pas regardé, Andrew !

Qu'est-ce que vous voulez que je dise d'autre ?! Se retrouver nus dans une situation gênante n'était pas la rencontre la plus agréable qui soit avec l'éleveur de ses pokémons. Enfin, toujours était-il qu'Hartyn avait eut l'étrange gentillesse d'approcher pour me protéger, physiquement, j'entends. Faisant barrière avec le reste de la population de la pièce. Et puis, dès que je fus rhabillée, je tapotais sa tête en le remerciant doucement approchant du couffin du pokémon-bébé pour l'observer, je n'osais même plus chercher Andrew du regard de peur de tomber sur lui... Un peu trop tôt dans son enfilage de vêtements. Mais le petit Pichu était toujours un Pichu. Bizarre. Néanmoins, maintenant il ne parlait plus en tout cas ne disait plus rien d'autre que "Pichu" ou bien "Piiii" ou encore "Chuuuu", enfin, vous voyez le genre quoi.

▬ Je crois que c'est vraiment un pokémon en fait... Et, si on oubliais ce qui vient de se passer ? Je veux dire... Ahem...

Je faisais quelques pas en arrière alors que Five était mort de rire dans un coin. Evidemment, il ne fallait pas non plus à ce que je m'attende à un soutien de sa part. Hein ? Mais il fallait que je reste un minimum professionnelle - et pas professionnelle du déshabillage hein - alors j'attrapais la pokeball d'Honey pour la glisser dans mon sac avant de sortir mon porte-feuille, extirpant des billets un peu au pif, je ne roulais pas sur l'or, mais je devais le payer pour vite m'enfuir et criser plus loin. En gros, c'était ça. Néanmoins, je pris le temps de sortir une autre pokeball, celle de Jelly avant de soupirer en cherchant enfin Andrew du regard.

▬ Je sais qu'on devrait être très mal à l'aise sur ce qui vient de se passer, mais je suis certaine que tu es un super éleveur et de toutes façons il ne se passe que des trucs bizarres en ce moment. Alors... Voilà l'argent que je te dois, et voilà Jelly, c'est un Feuforêve. Elle est très amicale et plutôt discrète en fait donc voilà... Je me dis que, tant qu'à faire, autant t'en laisser un autre maintenant ! Ah et, voilà mon numéro de portable, comme ça s'il y a un problème tu pourras me contacter. Et puis... Si un jour tu n'as pas envie de passer une soirée seul, hésite pas, je veux dire, sans mauvaise intention hein ! Promis. Enfin, merci encore, pour Honey...

Je toussotai avant de reculer brusquement, manquant de buter contre Hartyn qui me poussa doucement avec son museau avant de prendre la direction de l'extérieur de la pension et je me retournais une dernière fois pour gratifier Andrew d'un sourire et d'un geste de la main avant de filer rapidement. Mon dieu quelle soirée étrange... AWKWARD.